"Quelle que soit notre religion, du moment que nous comprenons les principes de la spiritualité, nous avons la possibilité d'atteindre le but ultime: la réalisation de notre nature véritable." Amma
Résumé:
Dans cet article, je partage avec vous ma rencontre avec Amma, et ce qu'elle m'a apporté. Une réalisation que le message central de toute religion est le même et que je n'ai pas besoin d'appartenir à l'une d'elle pour le pratiquer. Ma compréhension de l'importance des pratiques spirituelles et de l'impact concret qu'une vie qui met la spiritualité au centre peut avoir sur le monde. Bonne lecture!
Août 2015. Inde. Kerala.
Il fait très, très chaud. Mél et moi sommes à l'aéroport de Cochin. Nous attendons notre taxi, qui est censé nous amener à l'ashram d'Amma.
Amma, cette femme sainte, cette "Mahathma",grande âme, sainte, qui enlace les gens depuis des années, leur donnant le darshan, mot sanskri qui signifie « vision du divin », « être en présence de la divinité». Elle se donne à voir, en tant qu'âme éveillée, à chacun, pour qu'il puisse lui-même réaliser qu'il est également le divin.
Mais nous n'en sommes pas là.
C'est quelques mois plus tôt, alors que nous sommes à la fin de nos études et surtout de nos mémoires très psychanalytiques, que nous décidons que nous avons besoin d'une pause. Nous voulons partir voyager, expérimenter quelque chose de différent. Bien sûr, cette décision n'a pas été prise sans réflexions intenses du style "mais il faut chercher du travail, et notre carrière, et comment justifier un trou dans un CV, etc, etc".
Mais l'envie est plus forte. Nous avons un besoin viscéral de partir. Partir en quête de sens. Car finalement, la vie ici en Suisse est plutôt difficile pour nous. Passionnées par la pensée de C. G. Jung, qui s'est beaucoup inspiré des philosophies orientales, nous avons envie d'aller en Inde, pour sentir le sacré. Pour aller chercher quelque chose de plus, quelque chose qui nous manque dans notre vie.
Un panneau au dessus de notre lit pendant des mois: une carte que j'ai dessinée avec l'Inde, Nepal, Tibet, et tous ces pays qui nous font rêver. Nature et spiritualité sont les maîtres mots de notre voyage.
C'est sur internet que je tombe sur Amma. J'ai du taper quelque chose comme "retraite - ahsram - Inde" et je tombe sur le site d'Amritapuri, l'ashram d'Amma.
Et son message.... tellement simple et tellement fort à la fois: ma religion est l'amour. Ca me frappe en plein coeur et je me dis "moi aussi!". Je regarde la vidéo qui explique sa vie: une petite fille, qui, par la force de l'amour qu'elle ressent va dépasser tous les interdits (castes, codes culturels) pour amener son aide aux plus démunis. Elle embrasse et prend les pauvres dans ses bras. Elle s'indigne devant les injustices du monde au point qu'elle "hésite à se jeter dans le feu" mais se dit: "si je meure, ça n'aidera personne. Les gens continueront à souffrir comme avant". Elle décide qu'il en est de sa responsabilité de porter secours au plus démuni. Et c'est ce qu'elle fera de sa vie.
J'apprends plus tard qu'elle a été le souffre douleur de sa famille pendant des années. Très spirituelle, on ne comprenait pas les états de transe qu'elle vivait. On la rabaissait constamment. Jusqu'au jour où, par dévotion pour Krishna, sa déité d'élection, elle atteint l'illumination. Détachée de son ego et de toutes les peurs et les souffrances qui vont avec, elle construira un Ashram, puis une ONG: Embracing the world. A 65 ans, elle a aujourd'hui embrassé plus de 37 millions de personnes. Elle a reçu en 2002 le prix Gandhi / King de la paix à Genève, ainsi que le prix interreligieux James Morton, en 2006 à New York.
Mais je ne savais pas tout cela en arrivant, ce 18 août 2015, Amritapuri, son ashram, lieu dédié aux pratiques spirituelles et aux enseignements d'un guru ("celui qui retire l'obscurité").
Notre taxi arrive. Très sympa, il s'arrête même en route pour nous offrir à manger. Arrivées, on nous attribue une petite chambre, pour 3 francs par jour, avec pour seul mobilier deux matelas au sol.
Il y a beaucoup de monde. Plus de 3'000 personnes vivent ici. Dans l'ascenseur qui nous mène au 13ème étage de notre tour, une vieille femme, habillée en blanc, nous souhaite la bienvenue. Française, cela fait 18 ans qu'elle habite à l'ashram. Elle dédie sa vie à son évolution spirituelle.
Je suis impressionnée. D'une part par son choix de vie, mais aussi par la bienveillance et la lumière qu'elle dégage. Au contact d'Amma, tout le monde semble rayonner.
Alors que nous sortons de l'ascenseur et que nous observons, du haut de la tour, l'ashram dans son entier, nous entendons une voix incroyablement belle. C'est le "Swami", un des plus proche disciples d'Amma, qui commence à chanter les bahjans, les chants sacrés. Cette voix, je m'en souviendrai toute ma vie. Elle nous émeut au point que nous nous regardons, et commençons à pleurer. L'énergie et la magie qui se dégagent de cet endroit nous dépassent.
Les jours passent, et nous nous acclimatons. Le rythme de l'Ashram est très structuré et s'organise autour des pratiques spirituelles, du service à la communauté et des repas. Bien sûr, nous sommes libres de le suivre ou pas. Les pratiques spirituelles commencent à 5h du matin, par une heure de récitation des 108 noms de Mata Amritanandamayi, alias Amma, suivis des 1000 noms de Sri Lalita, alias la mère divine, alias Dieu. C'est ce qu'on appelle l' "archana" qui signifie louange, en sansrki. En chantant les mille noms de la mère divine, les dévots sont emplis d'amour et de compassion, et en pratiquant cela tous les matins, ils élèvent leurs vibrations et sont plus enclins à avoir ce que j'appelle des "comportements Amour" les uns envers les autres. Ce type de pratique existe dans de nombreuses religions.
Ce que j'ai trouvé particulièrement intéressant dans cette pratique hindoue, c'est l'idée que Dieu ou la mère divine, a plusieurs noms. Et pourquoi? Parce que les hindous ont compris, et j'ai bien l'impressions que ce sont les seuls, que Dieu peut être représenté de toutes les façons puisque Dieu existe en toute chose. Le mot, l'image qui représente le divin pour nous importe peu tant que ce cela nous connecte à l'amour, à l'expérience du divin. Ainsi, chaque hindou a une divinité d'élection. C'est-à-dire qu'il la choisi. Il choisit la représentation, l'image qui l'attire, qui lui permet de se connecter à Dieu.
C'est ainsi qu'Amma a connu ses états mystiques de connexion avec l'amour universel, en adorant Krishna, une des déités les plus vénérées du panthéon Hindous., sa déité d'élection.
L'histoire d'Amma est racontée par tous dans l'ashram, les gens lui sont incroyablement dévoués. Cette dévotion est à la fois étrange et inspirante. Imaginez: 3'000 personnes qui vivent ensemble et qui cherchent à mettre l'amour au centre de leur vie. Chacun est là pour travailler sur lui, inspiré par cette grande âme. Les gens font la queue pendant des heures pour recevoir son darshan.
Et moi, ici, jeune européenne cherchant à comprendre ces pratiques, qu'attendais-je pour recevoir mon darshan? Je n'osais pas y aller.
J'étais d'une part fascinée: j'observais, de manière concrète et tangible, que les gens se comportaient de manière plus "élevée" au contact d'Amma. Je voyais qu'Amma, par la seule force de son amour pour les autres, avait construit une immense ONG et concrètement, avait un immense impact sur le monde. Pas besoin de comprendre Dieu pour réaliser cela: cette femme faisait vraiment avancer le schmilblick. Des fonds débloqués lors de catastrophes humanitaires, des toilettes le long du Gange, un homme politique (ministre de je ne sais quoi) qui venait saluer Amma et qui, dans son discours, disait que était elle qui le guidait dans ses choix (!).
Waouh. Et j'étais en même temps sceptique: pourquoi les gens se prosternaient devant elle? N'étaient-ils pas tous un peu fous de chanter à la gloire du guru, n'étaient-ils pas un peu aveuglés? Est-ce que Amma avait vraiment atteint l'éveil, tout cela n'était-il pas un peu frauduleux?
Je vous ai dit que mon complexe de l'imposteur était coriace. Eh bien oui, malheureusement, je suis assez méfiante. J'ai besoin de preuves, j'ai besoin de comprendre. Mais ce qui est génial dans un ashram, c'est que vous êtes entourés de personnes qui sont chacune à un stade différent de leur évolution spirituelle, et, comme par hasard, vous tombez toujours sur la personne qui saura vous éclairer sur le point sur lequel vous buttez.
C'est la bibliothécaire de l'Ashram qui me dit: "mais Amma se prosterne aussi tous les jours devant nous ! Quand elle arrive sur la scène où elle donne le darshan, c'est la première chose qu'elle fait. Il ne s'agit pas d'une personne qui est supérieure aux autres et devant qui on se prosterne comme on se prosternerait devant un roi. Personne n'est obligé de le faire, mais c'est un acte symbolique. En se mettant à genoux, la tête au sol, on reconnaît le divin en l'autre et on le salue. La tête, qui est le siège de l'ego, s'incline devant le plus grand, devant l'amour qui relie tous les autres.
C'est donc à l'ashram d'Amma que j'ai enfin compris, mais vraiment compris, ce qu'était l'ego. Vous en saurez bientôt plus dans mon article à ce sujet.
Mais revenons à ma rencontre avec Amma.
Nous faisons la connaissance de plein de gens plus aimant et bienveillants les uns que les autres. Ils nous parlent de leur lien avec Amma, et je commence à comprendre ce qu'elle "fait": elle révèle le meilleur en chacun. Comme je l'ai expliqué dans Dieu est intelligence, on attire à soi ce qui nous fera prendre conscience d'où on en est. Les autres sont des miroirs de nous-même. Ainsi, Amma, qui ressent l'énergie de chacun, va leur montrer ce qu'ils ont besoin de voir pour prendre conscience de la marche évolutive sur laquelle ils tiennent. En prenant conscience du complexe qui les habite (le conflit psycho-émotionnel sous-jacent à la souffrance), ils peuvent le transcender et faire un pas de plus, sur la marche suivante. C'est ça l'évolution spirituelle.
Je me décide donc à aller faire la queue pour la rencontrer. Il y plein de gens sur la scène. J'avance, c'est bientôt mon tour. J'espère qu'elle va me regarder, que quelque chose de "spécial" va se passer. Des "fidèles" proches d'elle m'asseyent sur un petit support à genou, et je me retrouve dans ses bras. Ca dure 1 ou 2 minutes. Elle murmure quelque chose à mon oreille, me donne un petit bonbon ainsi que des cendres parfumée dans un petit sachet.
...
Et... Je suis déçue. Elle ne m'a même pas regardée! Je m'imaginais déjà une rencontre hyper spéciale, une connexion entre cet être spirituel et moi, qui souhaite tellement apporter de l'amour au monde... comme elle! Ne suis-je pas une petite Amma en potentiel ? J'en ai pourtant l'intuition!
Et je finis par comprendre que.... J'ai sans doutes reçu ce que j'ai donné. Comme c'est toujours le cas, comme la loi de cause à effet le postule. J'étais dans la méfiance, le doute, le test. J'étais dans mes pensées, j'étais stressée, j'avais peur de m'encoubler, je n'étais pas tellement amour. Je ne crois, finalement, pas complètement à tout cela. Comment autre chose pourrait-il m'être renvoyé dans ce cas?
Mais ma vraie rencontre, je vais l'avoir. Mais pour le moment je suis déçue et perplexe. Amma n'est-elle pas incroyable? Pourquoi n'ai-je rien ressenti d'extraordinaire?
Je continue mes recherches. Nous continuons à vivre la vie de l'ashram. Nous n'allons pas à l'archana (5h du mat!) mais nous apprenons la méditation IAM, une méditation "énergétique" que je pratique encore aujourd'hui. Nous faisons notre "seva", service, nous participons comme chacun aux tâches de l'ashram. Je lis la biographie d'Amma, nous nous inscrivons à une retraite de Yoga. Nous rencontrons des gens qui nous racontent comment leur rencontre avec Amma a changé leur vie. Je prends conscience que mon ego est plus fort que ce que je ne pensais. En réalité, je n'avais pas compris ce qu'était l'ego et je réalise que c'est lui qui me tient à distance de ce qu'Amma pourrait réellement m'apporter. Qu'il ne dépend que de moi de vivre une expérience extraordinaire au contact d'Amma.
Un jour, je médite au bord de l'océan. Assise sur un rocher, je décide de me laisser aller à ce qui est. Les visages des gens que j'aime m'apparaissent. Mon papa, ma maman, ma soeur, mon autre soeur. Parfois je suis en colère contre eux, nos relations ne sont pas toujours faciles, mais là, je ressens un amour immense pour eux. Ils me manquent, mais pas dans un sens négatif. Je ressens de la gratitude pour leur présence dans ma vie. Ma soeur, Sophie, qui parfois m'agace profondément, me manque beaucoup. Je perçois les raisons de ses comportements parfois très confrontants, en apparence non-amour. Et je réalise que ce sont toujours les blessures qui font que nous ne sommes pas amour les uns avec les autres. L'amour que je ressens s'agrandit. Il dilate ma poitrine. Je respire mieux, j'ai l'impression d'avoir un immense soleil à la place du coeur. J'envoie un immense amour à chaque membre de ma famille. Je leur pardonne et je me pardonne nos erreurs. En fait, c'est même au delà de ça, je ressens juste l'amour pur. Pour eux, et puis pour toute la création. Pour l'océan qui est juste là, pour le vent qui me caresse le visage, pour le soleil qui réchauffe ma peau.
Je déborde littéralement d'amour pour tout ce qui existe.
Je me lève, et marche en direction de l'ashram. J'étincelle. Je ressens une gratitude immense de simplement être là. Il y a foule et je comprends qu'Amma doit être en train d'arriver. J'avance encore et je la vois. Elle tourne son regard vers moi et nous nous regardons. Un regard si intense, si profond, si intelligent. Elle est déjà loin. Ca a duré à peine 2 secondes. Mais elle m'a regardée. Comme pour me dire, c'est ça, ton chemin. L'amour est ton chemin.
C'est un des moments les plus forts de ma vie.
Je ne me suis pas convertie à l'hindouisme. Mais j'adhère à ce que j'ai vu à l'ashram d'Amma. L'amour fait des miracles. Et ça peut sonner bateau, je n'en ai que faire. C'est la vérité, c'est ma vérité. J'ai compris que ce qu'Amma faisait n'a rien de magique et à la fois tout de magique. C'est cette magie de l'amour qui fait que lorsqu'on regarde une personne en voyant tout ce qu'elle a à offrir et non pas ses manquements, ses pathologies, ses déficits, on l'autorise à être ce qu'elle peut être au plus haut de son potentiel. Et cet amour est communicatif, il s'étend comme une trainée de poudre, il fait des petits. Beaucoup de personnes rencontrées à l'ashram, mues par une envie de porter eux aussi l'amour, m'ont regardée comme cela, avec compassion, sans jugement (un inconnu m'a même offert un poème!). Et à mon tour, quand je l'ai compris, j'ai commencé à oeuvrer de mon côté.
C'est la métaphore du colibri qui, une goutte après l'autre, amène l'eau de la rivière sur le feu qui s'étend dans la forêt. Le tatou lui dit "mais tu es fou, tu ne vas jamais pouvoir éteindre le feu comme ça!". Et le colibri lui dit "Je sais, mais je fais ma part". Alors tous les animaux de la forêt commencent à essayer d'éteindre le feu, et ensemble, ils y arrivent.
(Légende amérindienne découverte dans un discours de Pierre Rabhi)
Mais pour faire sa part, il faut trouver sa bonne place. Et c'est en dépassant son ego que l'on peut le faire. Quand l'ego n'a plus de pouvoir, nous osons prendre notre place sans nous remplir d'orgueil. Nous osons écouter notre intuition, nous nous laissons guider par notre coeur et contribuons, humblement, à éteindre le feu de la forêt.
Ava en Vie
P.S: Amma vient tous les ans en Suisse, à Winterthur, en octobre. N'hésitez pas si vous souhaitez venir avec moi !
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